31 mai 2014

Nationalisme, démocratie et élection européenne

Le résultat du FN aux européennes me fait songer au triangle d'incompatibilité de Dani Rodrik: est-il impossible d'avoir simultanément de l'intégration économique, des Etats nations et de la démocratie? L'intégration économique conduit à une compétition entre Etats providences visant à favoriser les facteurs mobiles au détriment des facteurs immobiles (concurrence fiscale et sociale etc). La démocratie offre donc une résistance naturelle à de telles politiques et demande un retour à l'Etat Nation. Pour poursuivre l'intégration européenne, il y a alors deux solutions:

1) refuser la démocratie. C'est un peu la piste poursuivie jusqu'ici au niveau européen. Par exemple la BCE, qui est sans conteste l'organisme européen le plus puissant, n'est pas une institution qui brille par une gouvernance de jure très démocratique. Elle a pour seule obligation de présenter au parlement ses politiques monétaires. Le parlement, seule institution démocratique de la zone, n'a que peu d'influence. En fait ce parlement a un pouvoir réduit sur tout ce qui est véritablement important. Par exemple les recettes de l'UE, sont quasi-exclusivement reliées aux contributions des Etats (et à tous les "justes retours" qu'elles impliquent), le parlement plaide depuis plus de 20 ans pour obtenir des ressources propres (une dizaine de propositions d'impôts ont été faîtes, TVA, taxe environnementale, impôt sur le sociétés, les transactions financières etc) et n'a jamais rien obtenu. On pourrait même aller plus loin que cette description en soulignant que l'Europe qui se construit en refusant parfois les politiques menés par les gouvernements nationaux (qui ont parfois été élu sur ces engagements) discrédite la démocratie nationale en la négligeant.

2) dépasser les Etats Nations et créer une union politique européenne (voir ce manifeste) à même de régler les problèmes d'intégration. C'est l'illustration du processus Monnet et de sa logique de réactions en chaîne où l'Europe se construit par déséquilibres et crises. Dans les années 90 la mobilité des capitaux liés à l'intégration a conduit à une crise de change. Cette crise a été résolue en créant l'Euro. Avoir une monnaie unique, avec plusieurs niveaux de dettes devait inévitablement engendrer des crises de la dette. Elles ont débuté en 2011. La solution évidente, dans cette logique fonctionnaliste, est de créer plus d'Europe en allant vers une intégration politique. Si la démocratie reste au cœur de ce système, il est à noter que l'autonomie des nations sera inévitablement réduite (les politiques de l'Europe seront peut-être vu comme un dictat par une proportion, certes non majoritaire, mais non négligeable des populations).

Enfin certains français pensent que la situation économique serait meilleure en renonçant à l'union européenne. Envoyer massivement les FN au parlement, c'est effectivement ne plus croire du tout en l'Europe, ni en la politique d'ailleurs, car ces élus empocheront les salaires européens mais ne siègeront jamais, ou alors simplement pour faire les singes dans l'assemblée et produire leurs petits buzz qui alimenteront leurs réseaux sociaux "anti-systèmes" sur Facebook. Bravo donc, la France sera représentée par le sommet (du triangle) de la bêtise, celui où le nationalisme s'illustre bassement et où la démocratie est guidée par le populisme. 

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