24 août 2016

Burqa, burkini et un peu de droit français

Face à cette polémique du burkini, je repense à une intervention d'un de nos éminents collègues palois, Denys de Béchillon, qui démontrait d'une façon remarquable les limites d'une interdiction du voile intégral face aux droits fondamentaux français. La vidéo est ici (débutez vers les 10 min si vous êtes pressé) et le texte ici dont voici qq extraits:

"la prohibition de la burqa réaliserait une ingérence forte dans l’existence d’au moins trois droits fondamentaux :
– la liberté de religion, à partir du moment où ce droit comporte intrinsèquement celui de manifester sa religion, et donc, dans une assez large mesure, la liberté de la manifester comme on l’entend ;
– la liberté d’opinion et donc, là encore, la liberté de manifester son opinion, y compris sur la manière dont on doit soi-même se conduire en public ;
– la liberté d’aller et venir, puisqu’une loi visant à empêcher les femmes de se promener en burqa dans la rue pourrait s’analyser dans une certaine mesure en une restriction de leurs possibilités de déplacements.

[...]

les ressources juridiques aujourd’hui disponibles pour envisager une interdiction de la burqa sont potentiellement au nombre de trois : le principe de laïcité ; la protection de l’ordre public et de la sécurité publique ; la dignité de la personne humaine et l’égalité des sexes, envisagée sous l’angle de la dignité des femmes. Interrogeons ensemble ces fondements possibles, et demandons-nous s’ils sont à la fois efficients et suffisants pour justifier l’interdiction qui nous occupe.

[...]

J’ignore combien de femmes sous burqa sont effectivement libres de leur décision. Certaines le sont ; d’autres ne le sont pas. Je ne sais pas compter, et sans doute vous non plus. Mais en l’état actuel du droit et probablement de la philosophie politique de nos démocraties, il me semble difficile de décider à leur place si elles sont libres ou non. La démocratie comporte le risque de vivre avec des monstres qui nuisent à eux-mêmes. C’est infiniment triste. Mais nous ne pouvons pas envisager de les priver de leur liberté sans contredire l’un des principes d’organisation les plus importants de nos sociétés modernes.

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